Ateliers Manuscrits Accompagnement Page blanche
    

Cette page a été créée à l'initiative de Sophie Akrout qui, dans une nouvelle intitulée "page blanche" publiée dans le recueil collectif Eclats, invitait ses lecteurs à envoyer leurs propres textes à La Cause du Poulailler.

Envoyez votre texte par mail à : contact@causedupoulailler.fr, par courrier à La Cause du Poulailler, 1 Chauvet, 33540 Coirac

3 - Port de Rostock

Port de Rostock. En plein soleil – cris des mouettes. Je te fuis, moi qui me fuis. Je pars enterrer ce sentiment diffus, ce désir agréable mais pas raisonnable. Je pense trop souvent à toi – tes yeux foncés – ta peau mate – ton petit strabisme craquant, ta voix, le son de ta voix, tes gestes gracieux même quand ils sont nerveux. Toi, ta silhouette et moi qui traque tes formes sous ta robe, sous ton jean, pesant. J'ai rêvé que nous nous mangions la bouche, heureux du simple bonheur de vivre. Quel rêve, pauvre fou – que l'infini terrible m'épargne encore un peu. Je ne veux pas fondre, ni que tu fondes. Je ne suis pas un beau cavalier pâle, tu n'es pas Ophélie - Je pars vers les latitudes de la solitude. Les grands monts de Norvège – Pour trouver quoi ? Une prémonition ? Une préparation à un nouvel amour ? Un rite initiatique ? Ou juste pour fuir cet amour qui grandit en moi envers cette fée, que je devine exigeante, dynamique, nerveuse, gourmande, qui fume, qui boit, qui aime probablement l'amour que nous aurions fait si j'avais eu vingt ans de moins – Nous l'aurions fait – c'eût été inévitable – trop de désir – trop de complicité - trop d'harmonie dans le son de ta voix.
Port de Rostock – Nord de l'Allemagne - J'attends un bateau pour un port danois dont j'ignore le nom. Je fuis vers le froid refroidir mes ardeurs. La Polizei a fait descendre d'un bus un homme noir type indien sikh – avec les cheveux attachés en plusieurs nœuds sur la tête – Me voici encore sur la route en écriture automatique – sans alcool – sans drogue – juste le souvenir grisant de tes beaux yeux désordonnés, de ton regard foncé, sombre, de la force dans ton œil droit, de la détresse dans ton œil gauche.
Le Sikh est remonté dans son car. Et si tout allait bien aller – Tu as un tatouage qui dit cela sous ton bras – petit flamand bleu au grand cou, port de tête haut. Pourvu que ce bateau m'embarque, que je ne reste pas encore des heures à entendre les mouettes sur ce port écrasé de soleil. Je pense à ta petite poitrine sous ton débardeur, à ton tatouage des deux mondes au creux de tes reins, à ta robe bleue qui te moule si discrètement. Un bateau vient d'arriver- C'est celui du royaume d'Hamlet ! A moi les grands monts de Norvège, le chemin méditatif jusqu'au bout de la terre – le rocher du grand Nord. ça : BOUM BOUM BOUM

Jean-Michel - Camps sur l'Isle (33)

 

2 - Rêve

Peu à peu, je me suis habitué à me cacher. Pas physiquement, bien sûr. Quoique, du shampoing pour faire repousser les cheveux sur mon front, ça serait pas du luxe... Non, je veux dire cacher mes rêves, mon cœur.
Tout est noir. Quand je ferme les yeux sur tout ça : BOUM BOUM BOUM
Ah! C'est quoi ça ?! Aïe ! Ça y est. Je sais. C'est mon appareil auditif qui est mal réglé. Ça va mieux comme ça. Mais... Où suis-je ? Les nuages sont dorés et... Tiens, comment ça se fait que je vois des nuages? Je suis peut-être mort. Je suis peut-être au paradis. Après tout, 933 ans, ça commence à faire vieux. Mais c'est impossible : je suis éternel.
Je vois un point sombre au loin. Il se rapproche. De plus en plus. PAF.
Dimitri... Dimitri...
C'est la voix du petit.
Mais je suis où? Où sont passés mes habits noirs? Mais... Je vole!
Je vole. Des pissenlits flottent autour de moi. Je ne suis pas fou. On peut se transformer en oiseau et tant pis pour les commères. C'est décidé, je ne cacherai plus rien derrière mon caractère de cochon. Oh! Une punaise des jardin. Salut petite punaise ! Une punaise des jardins avec une lampe à dynamo! Etrange... Et maintenant, un bonhomme! Vu sa tête, il gîterait la nuit dans les rues que ça ne m'étonnerait pas.
J'essaie toujours de tout diriger. Ça ne m'a pas réussi. Je suis sans doute éraillé de la tête. Je ne volerai jamais qu'en rêve. mais ce n'est pas si mal. Et puis, il y a le petit, mon orchestre, mes machines, l'éternité...

Rien ne m'empêche de rêver. N'est-ce pas l'araignée?

Marie Livebardon (11 ans) - Mellionnec (22)

 

1 - Le grenier

Pendant les vacances j’aime bien investir le grenier de ma maison de campagne. On y trouve tellement de choses bizarres telles que de vieux livres, poupées de porcelaine endormies au fond d’une malle en osier poussiéreuse à souhait. Le plafond enguirlandé de toiles d’araignée tellement épaisses sous le vasistas qu’elles me cachent le jour.
Il fait très beau aujourd’hui. Le soleil traverse bravement la soie tissée par les arachnides. Je peux fouiller le fond de la panière, et je trouve un livre de nouvelles que j’ai lues il y a longtemps. « Epis ». Une bouffée de souvenirs remonte. Ce petit livre, je l’avais cherché, puis oublié. Comme autrefois, je le feuillette. Je lance un regard discret sur l’édition : « La cause du poulailler »… Je trouvais ce nom tellement amusant !

Au début, La surprise d’Olivia au milieu de cette cuisine informatisée à l’extrême m’attirait. Les enfants sont contents de faire des cadeaux à leurs parents. Le plaisir est autant pour eux que pour nous. Pauvre Olivia ! Je me suis toujours demandé comment je réagirais dans pareil cas. J’en ai déduit rien…
Le chat pervers me plaisait. A sa façon il me ressemblait un peu, moi qui, comme Olivia, parcourait le monde, revenant de temps en temps chercher ma pitance.
S .Le Magnifique Ah celui là ! Encore plus pervers que le chat. Comment « Rubis » avait-elle pu s’attacher à cette loque? Là non plus je n’avais pas trouvé de réponse.
J’ai reconnu Isidore. Je l’avais écrit, imaginé, rêvé. Lui aussi était heureux dans son île lointaine. Je n’ai jamais compris pourquoi Joséphine l’avait abandonné…..Le destin joue de drôles de tours…
Puis il y a eu l’épitaphe. Blanche Neige, ce débris enfin seul. Il est certain que les grands hommes n’ont jamais l’épitaphe qui leur convient, mais ils ne peuvent jamais protester.
Marion, qui sans cesse demandait Lou y es-tu ? Ses frayeurs dans la forêt, ses angoisses avant que « Lou », bienveillant la retrouve. Existe-t-il une situation aussi invraisemblable ?
En lisant Les voisins je ne me posais plus la question. Je cherchais une solution entre le rêve et la réalité et j’avais aimé cette sorte de féerie rocambolesque qui, sur la fin, nous laisse pantois.
Combien de curieux pistent derrière leurs fenêtres La tuile déplacée, attendant goulument qu’elle tombe sur la tête de la voisine ? Combien sont déçus que cette voisine bien réelle trompe leur attente en mourant sous les roues d’un camion ? Que de questions je me posais alors.
Pourquoi Emma avait-elle ouvert à cet Inconnu qui l’amenait à sa perte ? Se peut-il qu’un homme soit aussi vil en se faisant passer pour son jumeau assassiné ?
La traversée n’était pas celle du désert, mais je trouvais que le but final était le même.
A Porchères y a-t-il un train ? Va-t-il jusqu’au bout du réel ? Pourtant la gare ne faisait pas partie du Patrimoine. Toutes Ces journées nous enseignent les traditions, le savoir-faire des anciens, nous devons connaître ces arts et leurs artistes.
Toutes ces histoires m’avaient laissé une vague impression. C’est pour cela sans doute que je les avais abandonnées dans mon grenier. Enfermée dans mes réflexions, je n’ai pas vu de suite la feuille tombée du livret. C’était une Page Blanche qu’Amandine avait détachée. Elle avait glissé à mes pieds, s’était vite recouverte de poussière. Je me souviens l’avoir ramassée, et avoir lu « Page blanche dont vous êtes le héros ». Cela m’a plu. J’ai gardé cette page. Aujourd’hui, j’ai décidé d’en être l’Héroïne.

Ce 20 Décembre 2012, je suis partie sur la lune pour écrire cette nouvelle. Car demain c’est la fin du monde.

Monique (82 ans) - Pessac (33)

 

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